
Le 21 août 2025, la justice française a rendu une décision qualifiée d’historique : le non-lieu en faveur d’Agathe Kanziga Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, assassiné le 6 avril 1994. Cette décision, fruit de 18 années d’enquête, marque un tournant dans l’histoire judiciaire et mémorielle du Rwanda, et vient ébranler deux piliers essentiels du narratif officiel du Front Patriotique Rwandais (FPR), au pouvoir depuis 1994.
Un dossier vieux de 30 ans
L’histoire judiciaire d’Agathe Habyarimana débute au lendemain du génocide des Tutsis, en 1994. Souvent désignée par Kigali et certains médias internationaux comme l’incarnation de l’“Akazu”, un cercle restreint et supposément radical autour du président, elle fut présentée comme l’une des figures de l’ombre ayant contribué à préparer le génocide.
Pendant près de deux décennies, dix juges d’instruction français se sont succédé, multipliant les commissions rogatoires et exploitant les archives du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), qui avait déjà englouti près d’un milliard de dollars pour juger les principaux responsables du génocide.
Le verdict : absence de preuves
L’ordonnance de 80 pages, rendue publique à Paris, est sans ambiguïté :
- Aucune preuve d’un plan secret en vue de commettre un génocide n’a été trouvée.
- Aucune preuve de l’existence d’un “clan Akazu” dirigé par Agathe Habyarimana n’a pu être établie.
Le colonel Théoneste Bagosora, souvent présenté comme “l’architecte du génocide”, avait déjà été acquitté en appel du chef d’“entente en vue de commettre un génocide” par le TPIR. La décision française confirme l’absence d’éléments matériels prouvant une planification centralisée du génocide.
L’“Akazu” : un mythe politique
Le terme Akazu, littéralement “petite maison”, fut introduit en 1992 par l’opposition rwandaise pour désigner l’entourage présidentiel soupçonné de manipuler les leviers du pouvoir. Repris par les médias et les ONG, le concept s’est imposé comme une “preuve politique” de la radicalisation du régime Habyarimana.
Or, les enquêtes internationales montrent que l’Akazu n’a jamais eu de réalité institutionnelle : ni structure, ni organigramme, ni preuves de coordination. La justice française, en clôturant ce dossier, confirme que cette notion relevait davantage de la propagande que de la réalité factuelle.
Une victime plus qu’une instigatrice
- 6 avril 1994 : son mari et président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, est tué dans l’attentat contre son avion.
- 9 avril 1994 : elle est exfiltrée du Rwanda par les troupes françaises de l’opération Amaryllis.
Une décision qui ouvre de nouvelles perspectives historiques
La portée de ce non-lieu dépasse largement le cadre judiciaire. Elle entraîne :
- La chute de deux piliers du narratif officiel du FPR : la planification du génocide et l’existence du “clan Akazu”.
- Une possibilité de relecture historique en dehors des récits politiques dominants.
- Un signal diplomatique et mémoriel : ouverture d’une brèche dans le monopole narratif du régime rwandais.
Frise chronologique : les étapes judiciaires et politiques (1994 – 2025)
Date | Événement |
---|---|
6 avril 1994 | Assassinat du président Juvénal Habyarimana ; début du génocide des Tutsis. |
9 avril 1994 | Exfiltration d’Agathe Habyarimana par l’armée française via l’opération Amaryllis. |
1996 – 2000 | Premières plaintes en Europe ; inclusion sur liste noire du régime Kagame. |
2004 – 2007 | TPIR examine la planification du génocide ; Bagosora acquitté en appel. |
2007 | Ouverture d’une instruction en France pour complicité de génocide et crimes contre l’humanité. |
2010 | Arrestation brève en France à la demande du Rwanda ; remise en liberté sous contrôle judiciaire. |
2014 | Discours de Kagame : “les faits sont têtus”, réaffirmant l’Akazu et la planification. |
2017 – 2023 | Multiplication des enquêtes, 10 juges d’instruction, commissions rogatoires au Rwanda ; exploitation des archives TPIR. |
21 août 2025 | Ordonnance de non-lieu : absence de preuves d’un plan secret et du clan Akazu. |
“Les faits sont têtus”
En 2014, le président rwandais Paul Kagame citait Lénine et Mark Twain : “les faits sont têtus”. Ironie de l’histoire : en 2025, ce sont précisément les faits judiciaires qui viennent contredire le récit qu’il a contribué à imposer.
Le non-lieu accordé à Agathe Habyarimana constitue ainsi une étape majeure dans la déconstruction des mythes politiques autour du Rwanda et dans la recherche d’une vérité historique plus nuancée.
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